Amanda Castillo: «Les enfants sont les adultes de demain»

Amanda Castillo est une écrivaine suisse née à Genève de parents espagnols. Elle raconte la réalisation du livre «Une drôle d’aventure dans mon assiette», un conte initialement destiné à sa fille et publié aux Éditions du Cèdre.

Pourquoi ce livre?

J’avais envie de fournir un outil de réflexion à ma fille, lorsqu’elle sera confrontée plus tard à certaines remarques désagréables. Petite, j’étais empruntée lorsque mes camarades m’assuraient que je ne pourrais pas me développer normalement sans viande. J’étais aussi très étonnée de découvrir que mes amis trouvaient ma façon de me nourrir bizarre (le tempeh et le caviar d’algues n’ont pas toujours été à la mode!).

Le monde a évolué mais j’entends malgré tout toujours certains clichés: «les carottes souffrent aussi quand on les mange», «un poisson, c’est aussi bête qu’une laitue» ou encore «mais tu manges quoi, si tu manges pas de viande?».

Pouvez-vous nous présenter les personnages?

Louis, le personnage principal du conte, est un garçon d’une dizaine d’années témoin d’un acte de cruauté envers un insecte. C’est l’élément déclencheur, le déclic. S’ensuit un dialogue avec Capucine, une petite fille du même âge qui habite dans une ferme avec des animaux dotés de la parole. L’histoire laisse le lecteur libre d’imaginer s’il s’agit d’un rêve ou de la réalité.

Quelle a été la démarche d’écriture?

Je me suis imprégnée de l’univers de Marcel Aymé et de Lewis Carroll, deux auteurs jeunesse qui continuent de me faire rire et rêver. Je ne me lasse pas de l’absurdité et de l’hystérie ambiante du pays des merveilles et des contes du chat perché. Les animaux y sont dépeints avec des personnalités complexes et un sens de l’humour bien aiguisé. Tous ont un sacré carafon!

On retrouve ce caractère bien trempé chez certains de mes personnages, le coq Séraphin notamment. Je tenais en effet à ne pas réduire l’animal à une victime apeurée. Il est bien plus que ça! Ceux qui vivent en compagnie d’animaux savent à quel point chacun est unique et capable d’exprimer une gamme d’émotions variées.

A la maison, mon chat Mathilde est facétieux et bavard. Chaque jour, elle invente un nouveau tour pour me faire rire. Mon chien Otto est plus sensible et fragile. C’est aussi un sacré comédien, capable de me faire culpabiliser si je sors 5 minutes sans lui. Il maîtrise à la perfection le fameux «regard de chien battu». J’aurais dû l’appeler Oscar.

Quel type de lectorat visez-vous?

Ce conte est destiné tant aux enfants qu’aux adultes. L’histoire de Louis, ses interrogations et son cheminement intérieur, peuvent en effet entrer en résonance avec des individus de tous âges. Certains termes et références ne peuvent par ailleurs être compris que d’un adulte. Il y a donc deux lectures. Enfin, ce livre invite à la co-lecture, ce moment privilégié où adultes et enfants échangent autour d’une histoire.

Vous êtes militante pour les droits des animaux…

J’ai grandi dans une maison «végane» qui recueillait tous les chats et chiens errants du quartier. A Pékin, ils sont chassés pour leur fourrure et leur viande. A un moment donné, nous avions huit chats et un chien! A chaque recoin de la maison, il y avait des gamelles, des niches, des canapés éventrés, des nuages de poils, des jouets…

Nous vivions davantage chez eux que le contraire. J’ai aussi appris très tôt l’importance de l’engagement bénévole et des dons. Ma famille est enfin très active au sein du mouvement écologiste qui défend des valeurs similaires, et pour nous: manger de la viande est une aberration pour l’environnement. C’est donc dans mon ADN depuis le début.

Selon vous, faut-il sensibiliser les enfants à la condition animale?

C’est même essentiel! Les enfants sont les adultes de demain et comme le souligne avec justesse Gandhi, on reconnait le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. C’est donc un devoir civique.

A l’école, votre professeur affirmait que vous n’écrieriez jamais correctement le français. Est-ce vrai?

Absolument. Comme beaucoup d’enfants de diplomates, j’ai eu une scolarité erratique. Mes parents estimaient en outre que le voyage était un enseignement en soi, aussi certaines années je n’allais pas à l’école. Sans surprise, lorsque j’ai intégré l’alliance française de Pékin à 15 ans, mon retard était considérable. Pour mon professeur de français, c’était peine perdue: je n’écrirai jamais correctement cette langue. Heureusement, j’étais dotée d’un esprit de contradiction.